Que veulent ces politiques ?

Divergences autour d’une démarche de sortie de crise

Que veulent ces politiques ?

L’Actualité, 12 août 2002

Dix années après son déclenchement, la crise algérienne n’arrive toujours pas à connaître un épilogue. Les tiraillements épisodiques qui ont lieu à l’intérieur du sérail conforteraient l’idée que les clans qui composent le pouvoir ne sont pas parvenus à convenir d’un règlement consensuel de la crise générée par « la brèche » ouverte par l’interruption, en janvier 1992, des premières élections pluralistes de l’Algérie indépendante. L’instrumentalisation politicienne dont ont fait l’objet les événements qui ont secoué certaines régions du pays ces quinze derniers mois fait craindre, au contraire, une exacerbation de la crise qu’affronte l’Algérie depuis cette date.

La situation de crise latente dans laquelle se trouve actuellement le pays indiquerait, par ailleurs, que l’ordre politique tout autant que les réformes économiques que le président Bouteflika s’est fixé pour objectif de réaliser durant son mandat ne font pas l’unanimité.

Même si dans le cas présent, comme les observateurs le supposent, le Président n’a pas à faire à tout le système, celui-ci bute néanmoins sur une sorte de « tiers bloquant » doté apparemment de ressors et de relais suffisamment importants pour annihiler ses actions les plus importantes.

En témoigne l’opposition farouche qu’a opposé, au cours de l’année 2001, une partie de la classe politique à son projet de réunir tous les acteurs de la crise de 1992 dans la perspective de réaliser « la concorde nationale ».

Les mêmes observateurs prêtent encore l’intention, à ce « tiers bloquant », d’amener Bouteflika à terminer son mandat sur un résultat blanc afin de le discréditer aux yeux de la population et de la dissuader notamment de représenter sa candidature à l’élection présidentielle de 2004.

Le soutien accordé par l’armée au candidat Bouteflika lors de la présidentielle de 1999, alors présenté comme « l’homme du consensus », avait laissé penser, pourtant, que les différentes composantes du Pouvoir étaient parvenues à s’entendre sur la démarche à entreprendre pour engager le pays sur la voie de la paix et mettre fin à la plus d’une décennie de crise politique.

La conviction que Bouteflika allait avoir les coudées franches était par ailleurs d’autant plus forte que son projet de réconciliation nationale, soumis à référendum, avait obtenu un large soutien de la population.

Bouteflika qui, l’on se souvient, n’avait pas eu à déployer de grands efforts pour convaincre la majorité des partis politiques (RND, FLN, RCD et MSP) de soutenir son programme avait d’ailleurs fondé sa campagne présidentielle sur un seul et grand mot d’ordre : celui de « ramener la paix au peuple algérien » et de convaincre les partis politiques « quelle que soit leur obédience » d’opter pour la réconciliation nationale. A l’époque, bien sûr, personne n’avait trouvé à redire.

Même le RCD, parti qui aujourd’hui compte parmi les plus farouches opposants à Bouteflika, qui avait alors fait campagne pour amener la population à « boycotter la dernière fraude du siècle » a fini par rejoindre le camp présidentiel. Cela en acceptant de siéger au gouvernement. Ce n’est pas tout. Dans leur soutien à Abdelaziz Bouteflika, ce groupe de partis n’ont, souvenons-nous également, trouvé aucun inconvénient à apporter leur caution au projet de concorde civile. Un projet qui en plus de consacrer l’amnistie aux militants du FIS ouvrait bien grande la porte à un règlement politique et définitif de la crise. Du moins le principe était d’y arriver.

Le règlement projeté signifiait forcément le retour, même pour une courte période, du FIS et l’ouverture d’un dialogue, auquel prendraient part les forces politiques et les parties impliquées dans la crise, destiné à dégager un consensus définitif autour des grands débats qui ont agité l’Algérie de ces dix dernières années.

Projet auquel apparaissent, aujourd’hui, fondamentalement opposé le camp dit des « éradicateurs ».

La donne introduite par l’irruption du mouvement citoyen de Kabylie qui a sans doute vu le président de la République vivre les moments les plus pénibles de son mandat ne modifie fondamentalement pas les termes de la crise algérienne. Malgré les nuances dont elle s’est parée au fil des années, la crise algérienne oppose toujours les mêmes parties : les partisans d’une solution politique qui restent convaincus qu’il est possible de faire cohabiter les différentes sensibilités politiques, y compris l’islamisme politique, dans le cadre d’un système démocratique ouvert et les tenants d’un régime à la turque ou à la tunisienne.

La résurgence, toute récente, du vieux débat opposant éradicateurs et réconciliateurs ne fait d’ailleurs que rendre plus évident, pour tous, les réels enjeux que couve la crise algérienne et l’origine du statu quo tragique auquel est encore confronté le pays. Reste maintenant à connaître quels enjeux économiques cache ce statu quo et à trouver des réponses satisfaisantes aux blocages que connaissent les réformes politiques et économiques.

Pour rappel, la crise algérienne a fait, en dix ans, plus de 100 000 morts et près de un million de victimes.

Les personnes disparues sont au nombre de 4 700. Jusque-là, le coût économique de la crise nationale a été de 20 milliards de dollars.

Khider A.

www.lactualite-dz.com