Octobre 1988: Ras El Kabous, ancien mécanicien à Bab El Oued

Ras El Kabous, ancien mécanicien à Bab El Oued
« J’ai payé le prix de la démocratie par ma chair »

Le Matin, 5 octobre 2000

La personne très connue à Alger était portée comme morte sous la torture. Celle-ci, il l’a subie de la manière la plus barbare.
« Ancien repris de justice, ayant tourné le dos depuis quelques années aux erreurs de jeunesse, on a voulu me coller le rôle de meneur. Dès qu’on m’avait pris de chez moi, on a tout de suite commencé à me tabasser sans même me parler. J’ai vu toutes les tortures possibles et inimaginables. » Gêné, il raconta difficilement son histoire.
« On m’a complètement dévêtu. On m’a fait le coup de l’échelle. On m’a saucissonné sur un banc et maintenu aussi par des menottes aux pieds. Mes tortionnaires ne cessaient de me viser le sexe par leurs coups. Ils ont atteint ma dignité. On m’a fait asseoir sur des bouteilles. Ils m’ont enfoncé leurs matraques. On m’a castré. A l’hôpital de Aïn Naâdja, les médecins m’ont fait pratiquement un curetage.
On m’a remis à ma famille la nuit. Arrivé chez moi, je fus reçu par des youyous, comme un moudjahid. J’avais reçu beaucoup de visites dont celle de TF1.
Les policiers qui m’ont torturé furent révoqués. Moi, je ne peux pas leur faire la pareille. A l’hôpital, des personnalités sont venues me voir dont l’ancien ministre Lakhdiri. Ils m’ont tous promis qu’ils allaient m’aider et que je devais considérer ce qui s’est passé comme un accident et que rien ne me manquera. Mais aujourd’hui je reste toujours dans la même situation de misère, oublié. Ce qui me fait aussi mal au cur, c’est qu’on a inscrit mes sévices au registre de l’accident de travail. Mes allocations, je ne les perçcoit pas comme victime d’Octobre !
J’aurais préféré qu’ils me tuent, m’enlèvent un bras, un pied ou me paralysent, mais pas me castrer. Je traîne de dépressions en crises. Avec tout ce que j’ai subi, je ne reste qu’un pauvre misérable. Et pourtant, je ne demande qu’un toit et du travail pour faire vivre ma famille. On nous pousse à devenir terroriste. Mais moi, je ne me retourne pas contre mes frères, je ne peux faire du mal à un policier. Je veux mon dû, et c’est tout. »

 

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