Le général Aussaresses publie un second livre de souvenirs et comparaît en correctionnelle

Le général Aussaresses publie un second livre de souvenirs et comparaît en correctionnelle

Le Monde, 26 novembre 2001

Le général Paul Aussaresses, âgé de 82 ans, qui comparaît, lundi 26 novembre, devant le tribunal correctionnel de Paris pour « apologie de crimes de guerre », publie vendredi 30 novembre aux éditions du Rocher un second livre de souvenirs, intitulé « Pour la France, services spéciaux 1942-1954 ». Dans cet ouvrage, l’auteur raconte son expérience militaire qui a précédé la guerre d’Algérie.
Le général Paul Aussaresses, ancien responsable français des services de renseignement à Alger, comparaît, à partir de lundi 26 novembre, devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir reconnu et justifié les crimes et tortures qu’il a commis durant la guerre d’Algérie (1954-1962).

Agé de 83 ans, ce militaire, placé d’office en retraite début juin par le Conseil des ministres, est poursuivi pour « complicité d’apologie de crimes de guerre », délit rarement invoqué devant les tribunaux français, puni d’une peine maximale de cinq ans de prison et 300 000 francs (45 000 euros) d’amende.

Le fait qu’il soit poursuivi comme complice et non comme auteur principal s’explique par la loi sur la presse, qui prévoit que lorsque les éditeurs peuvent être mis en cause, « les auteurs sont poursuivis comme complices ».

Durant les trois jours de ce procès, comparaîtront aux côtés de Paul Aussaresses ses deux éditeurs : Olivier Orban, PDG des éditions Plon, et Xavier de Bartillat, directeur des éditions Perrin, tous deux poursuivis pour « apologie de crimes de guerre ».

Ancien résistant, chef de bataillon durant la guerre d’Indochine, Paul Aussaresses avait rejoint à Alger le général Jacques Massu, commandant la 10e division parachutiste (DP), en janvier 1957, après avoir commencé la guerre à Philippeville (aujourd’hui Skikda) dès 1954.

C’est dans ces circonstances, raconte-t-il dans son livre, qu’il a « été conduit à user des moyens contraignants » contre ses adversaires, qu’il décrit et justifie avec forces détails, comme cette exécution sommaire de Larbi Ben M’Hidi, chef du FLN, pendu « d’une manière qui puisse laisser penser à un suicide ».

Après une plainte de la Ligue des droits de l’homme (LDH) portant sur divers passages de son ouvrage, sorti en mai 2001, le parquet de Paris avait ouvert une enquête préliminaire, à l’issue de laquelle il a choisi de citer directement Paul Aussaresses devant le tribunal correctionnel.

Pour l’avocat du militaire, Me Gilbert Collard, l’imputation d’apologie de crime de guerre retenue par le parquet ne « tient pas ».

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« Pour qu’il y ait apologie il faut qu’il y ait eu un crime. Or le général Aussaresses n’a jamais été condamné pour crime. Ensuite, faire l’apologie sous-entend que l’on enjoigne d’autres personnes à commettre un crime. Clairement, M. Aussaresses a toujours dit qu’il ne souhaitait à personne de faire ce qu’il a fait ».

Pour sa défense, le général Aussaresses a cité une douzaine de témoins, principalement des militaires, parmi lesquels le général Massu, « qui a priori ne viendra pas » selon ses avocats, ainsi que l’ancien chef d’état-major des armées Maurice Schmitt, ou encore le général Jean Compagnon, officier de la 2e DB du général Leclerc.

Face à lui, trois associations se sont constituées parties civiles : la LDH, le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) et l’Action des chrétiens contre la torture (ACAT).

Avocat de la LDH, Me Henri Leclerc explique qu’il souhaite « une sanction morale » contre Aussaresses, de façon à ce que « l’on ne puisse plus dire : la torture se justifie dans telles et telles circonstances ». « Les démocraties doivent clairement dire qu’il existe des choses qu’on ne peut pas faire », estime-t-il.

A la barre, les associations entendent faire venir l’historien Pierre Vidal-Naquet, le professeur de droit Alain Pellet, Louisette Ighilahriz, membre du FLN torturée, Henri Alleg, auteur de « La Question », et Simone de la Bollardière, veuve du général Pâris de la Bollardière, l’un des rares officiers français à avoir pris position contre la torture.

Avec AFP